Il passe un coup de téléphone, raccroche, serre la main, enchaîne. Au service formation du Service départemental d’incendie et de secours, Éric Doin a de l’énergie pour plusieurs et laisse, littéralement, son fauteuil roulant à la porte du bâtiment. Depuis 2004, il sait qu’il a une sclérose en plaques qui, aujourd’hui, après une lente évolution, l’empêche de marcher sans aide et provoque des réflexes musculaires intempestifs qui ressemblent à des tremblements.
Pompier de cœur et de carrière - jeune sapeur-pompier à 9 ans, volontaire à 16, professionnel à 18 -, Éric Doin refuse le terme par humilité, mais peut tout de même être défini comme un sportif de haut niveau. Au début des années 2000, il est gymnaste à l’échelon national, puis triathlète et multiplie les compétitions de pompiers d’abord à sa première affectation en Saône-et-Loire, puis à Aurillac, en 2002, où il arrive au centre de traitement des appels.
Le diagnostic tombe, irréversible, insupportable
"En 2004, il y a eu le décès de mon père, explique-t-il. Cela m’a totalement détruit. Je continuais à courir, à m’entraîner, mais j’ai senti qu’il y avait un problème au niveau des membres inférieurs." Le diagnostic tombe, irréversible, insupportable, incurable et dégénératif : la sclérose en plaques. "Quand j'ai su, jusqu'en 2012, je pensais que je ne le dirais jamais à personne, se souvient-il. Je le vivais très mal."
Il continue le sport, tant qu’il peut, s’adapte. Les premiers symptômes apparaissent. Finalement, "en 2013, un collègue est venu me voir pour me dire que l’état-major se posait des questions, alors je leur ai dit"
Cela m’a soulagé, ça faisait dix ans que je ne disais rien, que j’avais peur qu’on me mette dans un coin perdu au travail…
Il restera chef de salle au Codis jusqu’en 2019, avant de rejoindre la logistique, puis la formation.
Premier pas, puis un deuxième, "vers 2014-2015, j’ai appris qu’il y avait une association. Je suis allé les voir, quand j’ai vu tous les sclérosés en fauteuil, j’ai changé de couleur… Ils ont rigolé, ils m’ont mis à l’aise. Maintenant, je leur donne des cours de sport, une fois par mois."
Il sourit, l’œil sans cesse rieur. Comme si de rien n’était. Éric Doin semble léger, ne porte pas de fardeau.
C’est accepté. Cela a été dur, il y a eu des périodes noires, où je me disais “Est-ce que je dois continuer à exister?”
"Mes enfants ont réussi, l’un est ingénieur, l’autre passe son master, je veux rester pour les regarder. Et eux me demandent de faire des vidéos. Mon dernier grimper de corde, en 2019, ma fille était là…" Il réfléchit un peu : "Il fallait être fort. Je l’ai été."
Pierre Chambaud
C’est son appétit du sport qui va mener Éric Doin devant le centre commercial de La Sablière, ce samedi 22 avril. « L’exercice des pompes me va bien, explique Éric Doin. J’en fais tous les jours, pour moi, c'est plutôt facile. » Il aura six heures pour en réaliser 1.200, et il estime pouvoir dépasser largement ce total. Des challenges seront proposés aux visiteurs, qui pourront l’affronter sur cet exercice, ou aller faire du rameur. Une cagnotte a été menée parmi les commerçants de La Sablière, et il faudra enchaîner les kilomètres pour la débloquer, au profit de l’APF Handicap France. Les pompiers feront également de la communication, eux qui cherchent des volontaires. Enfin, de nombreux soldats du feu devraient passer tout au long de la journée, pour défier Éric Doin. Avec humilité, parce qu’ils connaissent le bonhomme, savent les efforts qu’il fait à la salle. Le grand public, lui, va découvrir un phénomène…
article la montagne https://www.lamontagne.fr/aurillac-15000/actualites/eric-doin-pompiers-et-sportif-raconte-sa-sclerose-en-plaques-quand-j-ai-su-je-pensais-que-je-ne-le-dirai-jamais-a-personne_14298053/
