Pour parler de l’entreprise corrézienne, des défis auxquels elle fait face, Françoise Cayre est insatiable, intraitable même. Mais pour parler d’elle, c’est une autre histoire. La présidente de la CCI de la Corrèze, réélue pour cinq ans, le 29 novembre dernier est plutôt de ceux qui font, que de ceux qui parlent. Pourtant, nous l’avons sollicitée pour savoir qui elle est et comment sont nées chez elle la détermination d’une des femmes les puissantes de la Corrèze et cette fibre de l’engagement.
Elle a des parents hôteliers-restaurateurs
Elle ne nous donnera pas sa date de naissance, mais deux indices : elle est Sagittaire et a 69 ans. « Je suis née à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) de parents hôteliers-restaurateurs. Je suis la dernière d’une fratrie de trois. Et nous avons beaucoup bougé au gré des affaires de mes parents notamment en Normandie. »
Elle a vécu Mai 68 à Brive et ça l'a marquée
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La famille débarque en Corrèze en 1967. La jeune Françoise poursuit sa scolarité au lycée D’Arsonval quand arrive « la folie de Mai 68 ». Elle assiste alors à « cette révolution sociale depuis l’amphi de Cabanis » où se tenaient les « AG ». « J’étais observatrice. Mes parents avaient dû construire toute leur vie après la guerre sans rien demander à personne. Pour eux, le Général, c’était le Général. C’est la première fois que j’entendais une autre voix. »
Françoise Cayre réélue présidente de la CCI de la Corrèze
Elle se souvient aussi d’une femme aux cheveux bruns et aux yeux noirs qui montait sur l’estrade, « c’était une meneuse… » Françoise n’était pas forcément d’accord mais « il fallait entendre, écouter. C’est de l’écoute que tu apprends. Être dans ses préjugés, c’est dramatique. »
Elle est devenue associée à 21 ans
Elle rêve d’être avocate, mais sa première année à la fac de droit à Rouen en décide autrement. « J’ai très vite basculé dans le monde du travail. » Le travail, « une valeur cardinale » dans son éducation. « Chez nous, il n’y avait jamais de rupture entre vie professionnelle et vie personnelle. » Elle fait des petits boulots avant d’entrer dans un cabinet d’administration de biens dont elle devient associée à 21 ans.
Très vite, elle prend des responsabilités et gère près de 800 lots de copropriétés. « Par hasard ou par opportunité, un premier portefeuille d’assurances s’est présenté. Je l’ai acheté. » Ainsi, la jeune femme ajoute une nouvelle corde à son arc et se trouve très vite à la tête d’une dizaine de personnes. « C’est un apprentissage terrain. J’ai avancé avec le “faire” », résume cette pure autodidacte.
L'optimisme mesuré des chefs d'entreprises de la Corrèze
Elle commence ainsi à forger la « méthode Cayre » basée sur la « sincérité, la rigueur » mais surtout sur le travail. « Quand tu gères 800 lots de copropriétés, tu gères de l’humain au quotidien : des difficultés de paiement de loyer, des difficultés familiales… » Pour régler un problème, Françoise Cayre est directe, « toujours diplomate, mais directe. Tu arrives à convaincre en étant factuelle et loyale ».
Elle avait toujours des bottes dans son coffre
Dans le domaine du risque industriel, qu’elle apprend à évaluer pour l’assurer, elle n’hésite pas à frapper à la porte du grand patron. « Le risque industriel, c’est ce qui m’a permis de mieux connaître le monde de l’entreprise et de l’industrie, à une époque où on fabriquait encore, à Brive, des étuis à lunettes, des chaussures, des vêtements… »
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Elle a toujours des bottes dans son coffre de voiture pour analyser les risques sur les exploitations agricoles. « C’est aussi comme ça que j’ai été acceptée. »
Parallèlement, elle voit le monde professionnel évoluer. « Le premier ordinateur qu’on a eu au bureau faisait tellement de bruit qu’on pensait qu’il allait exploser » plaisante-t-elle en maniant aujourd’hui sa tablette d’une main de maître.
Cette patronne est souvent à Paris pour honorer ses engagements syndicaux. « Je défendais les agents généraux. Je faisais passer des messages plus rapidement. » Puis, en 1991, Jean-Noël Regaudie, directeur général de l’époque, « m’a invitée à faire partie du voyage. J’ai intégré la CCI du pays de Brive. »
Elle trouve qu'« on est encore dans une période très machiste »
Un engagement que ses proches soutiennent. « On est encore dans une période très machiste. On pose aux femmes des questions qu’on ne pose pas aux hommes. Une femme doit être à la hauteur, car elle est observée. Les incompétents, eux, on les laisse tranquille. »
« Challenge destination entreprise » lancé, hier, à Tulle
Instinctive, elle s’attache à rapprocher deux mondes qui, selon elle, ne se parlent pas assez : l’éducation et l’entreprise. « Ainsi, avec d’autres, on a créé le challenge destination entreprise qui permet à des jeunes de suivre toutes les étapes de la création d’une société. Ce parcours permet à certains jeunes de se révéler », décrit-elle avec fierté. Pour ensuite, peut-être, oser l’aventure entrepreneuriale. « On est dans un monde où on n'ose pas assez ! »
Emilie Auffret
